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L’homme qui ne renonçait pas

Le nouveau président de l’EMB, Erwin Schöpges, se bat depuis douze ans contre le dogme libéral de la Commission.

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Sa silhouette ne vous est sans doute pas inconnue. Erwin Schöpges, c’est l’homme au chapeau, cet éleveur belge qui a sillonné la France en 2009 pour tenter de mobiliser derrière les revendications de l’European Milk Board. Sa connaissance du français et de l’allemand est alors un atout pour la jeune organisation. En effet, Erwin vient de la petite région germanophone à l’est de la Wallonie. Installé à 23 ans à la suite de ses parents, il est d’abord double actif, puis augmente progressivement sa production de 150 000 à 500 000 litres de lait livré. « J’étais jeune et je me suis conformé à la logique de l’agrandissement. Mais pour quels résultats ? Travailler toujours plus pour un maigre revenu. » Fort de cette prise de conscience, il rejoint le MIG (équivalent de l’Apli), puis le conseil d’administration de l’EMB dès sa création en 2007. Deux ans plus tard, le prix du lait tombe si bas que l’EMB appelle déjà l’Union européenne à activer une mesure de réduction des volumes de 5 %.

Aux avant-postes, Erwin est très actif dans l’organisation des manifestations bruxelloises précédant la grève. « À l’époque, si l’un des syndicats majoritaires allemands ou français avait suivi, ce dispositif de régulation aurait pu aboutir. »

« Un bio » à la tête de l’EMB

Mais pas question de baisser les bras : dès 2009, Erwin est à l’initiative de la création de Fairebel, autour de la marque déposée Lait Équitable. « L’EMB défend un prix du lait qui rémunère le travail des éleveurs. C’est mon combat et Fairebel est là pour montrer que c’est possible. » Dix ans plus tard, il est toujours président d’une coopérative qui pèse 4 % du lait UHT en Belgique. Il a montré la voie en Europe et initié ce projet jusqu’en Afrique, au Burkina-Faso, et peut-être bientôt au Sénégal et au Mali. Une occasion de dénoncer la politique d’excédents de l’UE et ses conséquences néfastes sur les petits producteurs. Depuis l’été dernier, ce combat pour un juste prix, via un dispositif de régulation souple des volumes, Erwin le porte en tant que président de l’EMB. Un rôle de lobbyiste qui l’amène tous les quinze jours à Bruxelles, au siège de la Commission où, à 54 ans, il perfectionne son anglais. Pour se libérer du temps, il a su bouleverser son système d’exploitation, et ne produit plus que 150 000 litres de lait bio en monotraite. Mais, cet engagement n’a pas été sans conséquences. « Mon épouse et moi avons divorcé. C’est le prix que j’ai payé pour avoir passé trop de temps à l’extérieur. Je ne le reproche à personne, c’était mon choix. Aujourd’hui, le fait que mon fils décide, à 26 ans, contre toute attente, de revenir sur la ferme, maintient ma motivation intacte à défendre l’agriculture familiale. Ce qui me rend optimiste ? Constater que nos idées progressent partout en Europe. »

Jérôme Pezon

© D. Paillard - Fairebel. Lancement, en 2012, de la glace équitable, avec Dacian Ciolos (à dr.), le commissaire européen à l’agriculture d’alors. D. Paillard

© Eric de Mildt - Au Burkina-Faso où Fairebel a participé au financement de trois mini-laiteries.Eric de Mildt

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